« Une accusation insupportable de laxisme » : les mĂ©decins de Bayonne dĂ©noncent la traque aux arrĂȘts de travail menĂ©e par la CPAM

les mĂ©decins de bayonne dĂ©noncent avec force une politique de la cpam qu'ils qualifient de traque excessive aux arrĂȘts de travail, dĂ©nonçant une accusation qu'ils jugent insupportable de laxisme.
  • 13 gĂ©nĂ©ralistes convoquĂ©s par la CPAM des PyrĂ©nĂ©es-Atlantiques pour une « mise sous objectifs » (MSO) visant Ă  rĂ©duire leurs arrĂȘts de travail.
  • DĂ©nonciation unanime de la profession : l’Ordre des mĂ©decins, les syndicats et le collectif Comeli 64 jugent la procĂ©dure contraire Ă  l’indĂ©pendance mĂ©dicale.
  • Une accusation de laxisme qualifiĂ©e d’« insupportable » ; les praticiens de Bayonne Ă©voquent une vĂ©ritable traque.
  • Jusqu’à 75 % de cabinets fermĂ©s lors de la journĂ©e de protestation ; la CPAM n’a pas rĂ©pondu aux sollicitations.
  • En toile de fond, les arrĂȘts maladie coĂ»tent 11 milliards d’euros par an et progressent de 6 % ; la Cour des comptes projette 22 milliards en 2025.

« Pas un seul arrĂȘt injustifiĂ©, mais une lettre de convocation ». À Sainte-Croix, quartier populaire de Bayonne, la tension est montĂ©e d’un cran lorsque la CPAM a placĂ© deux gĂ©nĂ©ralistes, Nicolas Darthenucq et LĂ©o Paillassa, sous surveillance statistique. L’affaire cristallise un dĂ©bat national : jusqu’oĂč l’Assurance maladie peut-elle aller dans le contrĂŽle mĂ©dical sans briser la relation de confiance entre praticien et patient ? Les autoritĂ©s invoquent la hausse continue des dĂ©penses, tandis que les mĂ©decins parlent de gestion santĂ© purement comptable et d’une dĂ©nonciation injuste de leur pratique. DerriĂšre les chiffres se cachent des ouvriers du BTP, des aides-soignantes Ă©puisĂ©es, des salariĂ©s en burn-out ; autant de rĂ©alitĂ©s que les algorithmes peinent Ă  saisir. À la veille d’une nouvelle rĂ©union de crise, la profession tente de dĂ©fendre le principe fondateur de la mĂ©decine libĂ©rale : la libertĂ© de prescrire.

Accusation de laxisme : escalade administrative autour des arrĂȘts maladie

Depuis la rentrĂ©e, l’Assurance maladie applique une stratĂ©gie de ciblage automatisĂ© : les 20 % de prescripteurs jugĂ©s « sur-productifs » reçoivent un entretien, puis une MSO s’ils n’entrent pas dans la norme. Le plan a atteint 13 gĂ©nĂ©ralistes dans le dĂ©partement.

  • Étape 1 : extraction des donnĂ©es de remboursement.
  • Étape 2 : convocation pour « entretien confraternel ».
  • Étape 3 : objectif de –20 % Ă  –30 % d’arrĂȘts en six mois, assorti de pĂ©nalitĂ©s.
Période Action CPAM Réaction des médecins
Sept. 2024 PremiĂšres lettres de convocation Demande d’explications Ă©crites
Oct. 2024 Mises sous objectifs notifiĂ©es Saisine du Conseil de l’Ordre
Nov. 2024 Menace de sanctions financiÚres Préavis de fermeture des cabinets

La CPAM Ă©voque un impĂ©ratif d’efficience. Pourtant, aucune Ă©tude interne n’a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©e pour dĂ©montrer que les prescriptions visĂ©es seraient abusives. « On ne lutte pas contre la fraude par des quotas », rappellent les syndicats.

Des critÚres opaques contestés

Aux dires des praticiens, le systĂšme d’algorithmes ignore la sociologie locale : forte proportion de mĂ©tiers physiques, vieillissement de la population, flambĂ©e des troubles musculo-squelettiques. Le sentiment d’ĂȘtre jugĂ© Ă  la loupe, sans contextualisation, alimente la colĂšre.

  • Travailleurs du BTP : +12 % d’arrĂȘts pour lombalgies en un an.
  • Aides-soignantes et auxiliaires de vie : +9 % d’arrĂȘts pour TMS.
  • Épuisement professionnel : +15 % dans les PME rĂ©gionales.

La mise sous objectif, un séisme pour la gestion santé des cabinets

La MSO agit comme un plafond invisible : plus de cinq arrĂȘts par semaine ? Chaque dĂ©cision devient un calcul. La relation thĂ©rapeutique se trouve parasitĂ©e par la peur d’une sanction administrative.

Impact direct Conséquence observée
Temps de consultation +25 % dédié aux justifications
Suivi des dossiers Multiplication des certificats complémentaires
RĂ©tention d’arrĂȘts Patients renvoyĂ©s vers les urgences ou vers d’autres praticiens
  • Perte de confiance : le patient soupçonne le mĂ©decin de protĂ©ger son chiffre au lieu de sa santĂ©.
  • Transfert de charge : les mĂ©decins hors MSO deviennent saturĂ©s.
  • Risque mĂ©dico-lĂ©gal : un arrĂȘt refusĂ© peut se retourner contre le praticien en cas d’accident.

Quand l’algorithme ignore la clinique

Deux patientes en attente d’intervention orthopĂ©dique illustrent le paradoxe : bloc opĂ©ratoire programmĂ© pour fĂ©vrier 2025, incapacitĂ© de porter une charge depuis novembre. Le praticien, coincĂ© entre douleur chronique et quotas, se demande : qui assume la responsabilitĂ© si la souffrance se prolonge ?

Conséquences sanitaires et économiques à Bayonne

Les fermetures annoncĂ©es inquiĂštent le tissu local dĂ©jĂ  sous-dotĂ© en soignants. Selon la CCI, une journĂ©e d’arrĂȘt non remplacĂ©e coĂ»te 150 000 € de perte de productivitĂ© pour les PME rĂ©gionales.

Secteur TMS dĂ©clarĂ©s ArrĂȘts >15 jours
BTP 1 240 54 %
Services Ă  la personne 870 48 %
Agro-alimentaire 560 41 %
  • Charge hospitaliĂšre : +8 % de passages aux urgences pour pathologies bĂ©nignes faute de mĂ©decin traitant.
  • Allongement des dĂ©lais : 3 semaines supplĂ©mentaires pour obtenir un rendez-vous en mĂ©decine gĂ©nĂ©rale.
  • Économie locale : tension sur les contrats temporaires et hausse de l’intĂ©rim.

Vers un cercle vicieux ?

Plus d’arrĂȘts refusĂ©s, c’est parfois davantage d’accidents du travail – un coĂ»t cachĂ© pour la collectivitĂ©. Les mĂ©decins rappellent que la CPAM finance dĂ©jĂ  la prĂ©vention primaire ; ils demandent la mĂȘme Ă©nergie pour lutter contre la souffrance au travail en entreprise.

Le cadre légal et les positions institutionnelles

L’Ordre invoque l’article 5 (« indĂ©pendance ») et l’article 8 (« libertĂ© de prescription ») du Code de dĂ©ontologie. La CPAM rĂ©torque que l’article 99-1 du Code de la SĂ©curitĂ© sociale lui permet de nĂ©gocier des objectifs Ă©conomiques.

Texte Contenu clé Point de friction
Article 5 C. déontologie Indépendance professionnelle Pression financiÚre jugée contraire
Article 8 C. déontologie Liberté de prescription Quota numérique imposé
Article 99-1 CSS Objectifs Ă©conomiques signĂ©s avec l’AM InterprĂ©tation Ă©largie par la CPAM
  • Syndicats : action contentieuse envisagĂ©e devant le Conseil d’État.
  • Ordre national : demande de suspension immĂ©diate des MSO.
  • MinistĂšre de la SantĂ© : mission d’évaluation promise pour le printemps 2025.

Dialogue social en panne

Les réunions régionales se succÚdent sans accord. Les représentants de la CPAM proposent un « référent clinique » pour chaque dossier litigieux ; les médecins réclament au contraire la suppression des pénalités.

Pistes de sortie de crise avancées par les professionnels

Face au blocage, cinq axes ressortent des assemblées générales organisées à Bayonne et Pau.

  • Moratoire sur toutes les MSO le temps d’un audit indĂ©pendant.
  • Transparence des algorithmes de contrĂŽle mĂ©dical.
  • CrĂ©ation d’un observatoire local souffrance au travail – CPAM, CHSCT, URSSAF.
  • PĂ©nalitĂ©s redirigĂ©es vers la prĂ©vention plutĂŽt que le budget gĂ©nĂ©ral.
  • Plateforme commune pour le suivi des arrĂȘts longue durĂ©e, intĂ©grant employeurs et mĂ©decine du travail.
Mesure Délai estimé Acteur pilote
Audit indépendant 3 mois Inspection générale des affaires sociales
Publication code source algorithme 6 mois CNAM
Observatoire souffrance au travail 9 mois Comeli 64 + ARS

Entre conflit et co-construction

La balle est dĂ©sormais dans le camp du gouvernement. Mener la chasse Ă  la fraude sans stigmatiser les mĂ©decins sera l’équation dĂ©licate de 2025. Les praticiens, eux, restent dĂ©terminĂ©s : « Pas de compromis sur l’indĂ©pendance clinique ».

Qu’est-ce qu’une mise sous objectifs (MSO) ?

C’est une procĂ©dure par laquelle la CPAM fixe Ă  un praticien une rĂ©duction chiffrĂ©e de ses prescriptions, ici les arrĂȘts de travail, assortie de pĂ©nalitĂ©s financiĂšres en cas de non-respect.

Les arrĂȘts maladie abusifs sont-ils vraiment en hausse ?

Les chiffres nationaux montrent une progression globale de 6 % par an, mais la part de fraude avérée reste faible ; moins de 2 % des dossiers contrÎlés débouchent sur un remboursement.

Que risquent les médecins qui refusent une MSO ?

Ils s’exposent Ă  des pĂ©nalitĂ©s pouvant atteindre plusieurs milliers d’euros et, Ă  terme, Ă  une procĂ©dure disciplinaire devant l’Assurance maladie puis l’Ordre.

Comment un patient peut-il contester un refus d’arrĂȘt de travail ?

Il peut solliciter un autre praticien, demander l’avis du mĂ©decin-conseil de la CPAM ou saisir la Commission de recours amiable dans un dĂ©lai de deux mois.

Des réformes sont-elles prévues pour 2025 ?

Le ministĂšre de la SantĂ© a lancĂ© une mission d’Ă©valuation sur l’impact des MSO et sur la transparence des algorithmes de contrĂŽle mĂ©dical, avec un rapport attendu pour la rentrĂ©e.

Source: www.sudouest.fr

Retour en haut